Adama Coulibaly | Positive Minds

Voir l'original

Bon patron, mauvais patron : nous apprenons des deux (Partie 2/2)

Esprits positifs | Histoires positives | Edition 012

Un bon patron nous apprend ce qu'il faut faire. Un mauvais patron nous apprend ce qu'il ne faut pas faire. Un bon patron donne l'exemple, dans toutes les situations. Un mauvais patron mène par son titre, dans toutes les situations. Nous apprenons des deux. Les deux peuvent changer notre carrière en bien ou en mal. Cela dépend du patron que nous choisissons de suivre l'exemple.

Ne laissez jamais le mauvais comportement de votre patron être une excuse pour le vôtre

Parfois, dans notre carrière ou notre vie, nous sommes confrontés à des choix difficiles. Ce fut mon cas lorsque je me suis retrouvé sous la supervision de mon pire patron à ce jour. Son incompétence n'avait d'égal que sa malhonnêteté. Je vais l'appeler M. Traoré. Les "Traoré" étant les "sinankun" (cousins à plaisanteries) des "Coulibaly", j'ai le droit de les caricaturer.

En tant que jeune ingénieur-conseil, j'ai toujours voulu tirer le meilleur parti de la main-d'œuvre locale. Ainsi, sous la direction de mon bon patron(voir partie 1), j'ai travaillé avec un charpentier métallique pour concevoir une pondeuse à briques avec des matériaux entièrement recyclés. Nous avons testé la pondeuse avec succès dans le cadre d'un projet de construction d'école. C'était en Guinée-Bissau, dans la deuxième moitié des années 1990.

Sur la base de l'expérience pilote réussie, j'ai élaboré une note conceptuelle que j'ai soumise à mon bon patron. Le concept était simple : produire une centaine de pondeuse à briques à 250 dollars l'unité et les donner en emprunt à 100 jeunes entrepreneurs de moins de 25 ans dans la région de Bafatá. Le remboursement se ferait par la fourniture de briques à des projets communautaires financés par notre ONG, notamment des écoles et des centres de santé. Mon bon patron a approuvé la proposition et m'a donné le feu vert pour lancer le projet.

Malheureusement, avant que le projet ne se concrétise, il a été affecté à un autre poste dans un autre pays. Néanmoins, il s'est assuré de mentionner le potentiel de ce projet dans son rapport de passation.

Trois mois après son départ, il a été remplacé par M. Traoré. Après avoir examiné la proposition, il m'a invité dans son bureau pour en discuter. « J'aime votre projet, mais je pense que 100 jeunes ne sont pas suffisants ; nous devrions viser au moins 200 jeunes avec un objectif de 200 de plus chaque année pour les 5 prochaines années », a-t-il déclaré. Avant d'ajouter : « Vous devez réviser la proposition et me la soumettre à nouveau pour approbation ».

Lorsque je suis sorti de son bureau, j'étais aux anges. Grâce à ce projet, 1 000 jeunes auront un emploi modeste. Avec autant de pondeuses à briques, j'ai réussi à négocier une remise de 15%. Chaque machine coûterait environ 215 dollars au lieu de 250. Ma joie fût de courte durée.

M. Traoré a conditionné son approbation à l'acquisition des machines au Sénégal. Une décision qu'il a prise suite à une mission qu'il venait d'effectuer au Sénégal. Il m'a ensuite montré une facture pro-forma avec un coût d'environ 1 500 $ par machine. "M. Traoré, mais c'est sept fois le prix ici. En plus de cela, il faut payer le transport", lui ai-je répondu. "Comment allons-nous justifier une telle différence de prix en cas d'audit ?"

"Voulez-vous que votre projet soit financé ou non ? C'est la condition". Il m'a remis la facture pro-forma et m'a dit : "Vous êtes l'ingénieur. Vous trouverez les justifications".

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. J'étais confronté à deux choix difficiles : obéir aux instructions de M. Traoré et devenir complice d'une fraude -car c'est de cela qu'il s'agissait- ou désobéir, avec toutes les conséquences que cela entraînerait pour moi.

Le lendemain matin, je me suis rendu au bureau de M. Traoré pour lui remettre une enveloppe qu'il a rapidement ouverte. « C'est une blague ou quoi ? Vous êtes fou ? », il vocifera d'un ton menaçant. « Non, ce n'est pas une blague, M. Traoré. Et ne vous inquiétez pas, je n'ai jamais été aussi sûr d'une décision de toute ma vie ». Je venais de démissionner de mon poste avec un mois de préavis. Pour moi, c'était le moindre des deux maux.

Un autre de mes bons patrons, ayant appris ma démission, m'a proposé de retourner en Guinée Conakry pour travailler avec lui après trois courts mois de chômage.

Quant à M. Traoré, il a été rétrogradé un an plus tard à la suite d'une procédure disciplinaire pour "faute grave", pas surprenant pour moi..

Morale : « Votre intégrité est votre capital le plus précieux. Ne vous compromettez jamais pour quoi que ce soit ou pour qui que ce soit. »