Entre la rivière et l'école : Décoder les priorités communautaires en Guinée rurale.

Esprit positif | Histoires positives | Edition 037

Dès l'enfance, ma mère m'a inculqué une sagesse intemporelle : "Mon fils, l'éducation n'est pas synonyme de connaissance". Cet adage a pris tout son sens des années plus tard, lorsque j'étais coordinateur technique d'un projet de la Banque mondiale en Guinée. Cette initiative visait à améliorer l'accès aux services sociaux de base dans les communautés rurales et à renforcer les compétences des dirigeants locaux en matière de gestion de projets.

Ce dernier objectif du projet s'est concrétisé en permettant aux communautés de choisir, de mettre en œuvre et de gérer des projets sous ma supervision en tant que coordinateur.

À la fin de la phase pilote, une équipe d'évaluateurs de la Banque mondiale s'est rendue sur le terrain. Leur attention s'est portée sur un projet de construction scolaire dans un village isolé, au cœur de la Guinée forestière. La surprise des experts devant le pont rudimentaire en tronc de palmier qui enjambe la rivière s'est rapidement transformée en amertume lorsque l'un d'entre eux a fait un plongeon inattendu dans la rivière.

Leur colère s'est rapidement dirigée vers moi. Ils ont remis en question ma décision de laisser la communauté construire une école de l'autre côté d'une rivière potentiellement dangereuse. " Il est évident que la construction d'un pont est prioritaire ici ", ont-ils affirmé. Restant serein, j'ai proposé une alternative. "Pourquoi ne pas demander l'avis du chef du village ? Après tout, c'est leur choix.

M. Kpoghomou, le chef du village, a répondu à l'appel en exprimant les véritables priorités de sa communauté. Pour eux, l'école n'est pas un simple bâtiment, mais une solution globale qui répond à leurs trois défis les plus urgents.

Tout d'abord, elle a permis à leurs enfants de bénéficier d'un établissement d'enseignement accessible, éliminant ainsi le pénible trajet quotidien de 8 km qu'ils devaient effectuer auparavant. Deuxièmement, la construction de l'école a suscité une initiative parallèle au sein de la communauté pour construire un ponceau au-dessus de la rivière, démontrant ainsi leur capacité à résoudre les problèmes de manière autonome. Enfin, le projet a servi de catalyseur à l'expansion du village lui-même. Coincé entre une montagne et la rivière, le village avait besoin de plus d'espace pour se développer. L'école et le ponceau qui sera bientôt construit lui permettront de s'étendre au-delà de la rivière, en utilisant de manière durable son environnement naturel.

Stupéfaits par la sagesse d'un homme qui n'avait pas passé une journée sur les bancs de l'école, les experts ont dû reconsidérer leurs hypothèses initiales.

Cette rencontre m'a rappelé la sagesse de ma mère : "Mon fils, l'éducation n'est pas synonyme de connaissance".

Il y a trois leçons de morale à tirer de cette expérience :

  1. Écouter, c'est apprendre: La véritable sagesse ne vient pas de la parole, mais de la profondeur de l'écoute et de l'humilité de poser des questions. Une véritable compréhension d'une situation est souvent sous-jacente, cachée à ceux qui n'écoutent pas vraiment.

  2. Le contexte est important: Il est essentiel de tenir compte du contexte culturel, social et environnemental avant de porter un jugement ou de prendre une décision. Ce qui peut sembler évident d'un point de vue peut ne pas l'être d'un autre.

  3. Pas de monopole de la connaissance: Comme le disait Socrate, "Personne n'a le monopole du savoir. Celui qui prétend tout savoir devient ignorant". Le chef du village, qui n'a pas reçu d'éducation formelle, a offert une leçon inestimable de développement durable aux soi-disant experts. C'est pourquoi il est essentiel d'adopter une approche modeste du savoir et de reconnaître que nous pouvons toujours apprendre des autres et du monde qui nous entoure. L'humilité intellectuelle nous aide à rester curieux, à remettre en question nos croyances et à continuer à grandir en tant qu'individus. 

Efforçons-nous de donner la priorité à la compréhension plutôt qu'au jugement rapide dans toutes nos entreprises. Faisons une pause, écoutons et posons des questions.

N'oubliez pas que la prochaine leçon éclairante peut provenir des sources les moins attendues. Profitons de chaque interaction comme d'une occasion d'apprendre, de grandir et de construire ensemble un monde meilleur.

Adama Coulibaly | Positive Minds

Expert en développement international et en aide humanitaire, Adama Coulibaly, alias Coul, a trois décennies d'expérience au sein d'ONG internationales et des Nations unies, œuvrant pour la justice sociale et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Blogueur prolifique, il partage des pensées positives sur le leadership et la conscience sociale. Dévoué au mentorat de la jeunesse africaine, il cherche à inspirer la résilience et l'engagement, croyant en leur potentiel pour bâtir une Afrique libre, unie et prospère.

Pour en savoir plus sur moi, cliquez ici.

https://adamacoulibaly.com
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