Quand l’égalité n’est pas équitable

PositiveMinds | Le Journal de la Sagesse | Numéro 007

Pourquoi le même défi peut encore sembler injuste

On confond souvent équité et égalité. Une règle. Un test. Un bassin commun. Mais derrière l’apparence de conditions équitables se cache un enchevêtrement d’inégalités d’accès, de ressources inégales et de contraintes invisibles. Cette semaine, Tilé nous a invités à regarder autrement — à voir non seulement ce que les gens traversent, mais avec quoi ils le traversent.

Ces réflexions ont mis en lumière une vérité difficile : l’expérience ne se façonne pas seulement par l’effort, mais par le point de départ, le poids que l’on porte, et ce que l’on doit affronter en silence. Là où l’égalité vise l’uniformité, l’équité pose une autre question : « Le défi est-il vraiment le même si la ligne de départ ne l’a jamais été ? »

Chaque métaphore visuelle nous rappelle à quel point il est facile d’ignorer l’inclinaison sous les pieds des autres. À quel point on juge les gens comme « fragiles » sans savoir ce qu’ils endurent. À quel point la « même chose » peut devenir une forme de silence — lorsque l’on cesse de voir qui coule et qui flotte.

Car ce qui est égal n’est pas toujours juste. Et l’empathie ne commence pas par l’accord. Elle commence par l’imagination.

💧 Le poids d'une goutte

Ce qui inonde une fourmi ne fait qu’effleurer un éléphant.

Une simple goutte d’eau peut passer inaperçue pour certains. Mais pour d’autres, c’est un raz-de-marée. Cette métaphore nous rappelle que la difficulté n’est pas objective. Elle dépend de celui ou celle qui la porte. Trop souvent, nous évaluons la souffrance d’autrui à l’aune de notre propre force, en pensant : « Si je peux le supporter, pourquoi pas eux ? »

Mais la force est relative. Les circonstances varient. Les blessures persistent. Ce qui semble insignifiant pour l’un peut être profondément déstabilisant pour l’autre. Ignorer cette échelle, c’est passer à côté de la compassion. C’est minimiser l’expérience. Et sans le vouloir, c’est blesser ceux qui font de leur mieux avec moins.

La véritable empathie commence par une pause avant de juger. Elle demande non pas « Est-ce lourd ? », mais « Lourd pour qui ? » Car même une goutte, dans le mauvais contexte, peut laisser des traces durables.

🌳 Un arbre, plusieurs grimpeurs

L’épreuve est la même. Les chances ne le sont pas.

Imaginez un singe, un écureuil et un éléphant — tous invités à grimper le même arbre. Le singe réussit. L’écureuil s’en sort bien. L’éléphant échoue. Le problème ? Le test n’a jamais été conçu pour lui. Et pourtant, on le qualifie d’équitable.

On voit cela dans l’éducation, les recrutements, le leadership et les systèmes mondiaux — des structures qui favorisent certains et en excluent d’autres sans bruit. On célèbre ceux qui montent vite, sans se demander qui a dû construire une échelle pour ne serait-ce que commencer. On confond performance et potentiel, facilité et mérite.

Ce n’est pas un appel à baisser les standards. C’est une invitation à voir l’architecture. À reconnaître que l’équité véritable ne se mesure pas au nombre d’obstacles, mais à la possibilité réelle de les franchir. Car quand le test ignore la différence, il devient un mur au lieu d’un pont.

🏊 L’illusion du petit bain

La profondeur dépend d’où vous vous tenez.

Dans une même piscine, une personne a de l’eau jusqu’aux chevilles, une autre jusqu’à la poitrine, et une troisième lutte pour ne pas couler. De loin, tout semble égal. Mais la pente change tout. Tout comme le point d’entrée, la taille ou les compétences de nage acquises au fil du temps.

Nous sous-estimons souvent les difficultés des autres simplement parce que nous sommes dans la zone peu profonde. De là où nous sommes, les choses paraissent faciles. Mais nous oublions que la pente, l’histoire et les fardeaux invisibles transforment l’expérience.

La perspective n’est pas tout. Mais sans elle, la compassion s’effondre. Un véritable soutien commence par cette question : où se tient l’autre ? Quelle est la profondeur pour elle ou lui ? Et que faut-il pour simplement rester à flot ?

⛴ La même tempête

Nous ne sommes pas tous dans le même bateau.

La tempête éclate. La pluie s’abat. Le tonnerre gronde. Mais les bateaux sont différents. L’un est sur un yacht. L’autre sur un voilier. Le troisième s’agrippe à une planche. Quand nous disons : « On traverse tous la même chose », on efface souvent les niveaux inégaux de risque — et de privilège — dans cette tempête.

La souffrance ne se ressemble pas. Certains ont des bouées. D’autres n’ont que leur force et leur endurance. Ce n’est pas la météo qui détermine la survie. C’est l’embarcation — construite au fil des années, transmise ou refusée, renforcée ou laissée à l’abandon.

La solidarité ne signifie pas nier les différences. Elle exige de les reconnaître — et d’en assumer les conséquences. Car une empathie sans nuances peut devenir une forme de négligence. Et remarquer qui coule est le premier acte de justice.

Ce que l'égalité ne montre pas

Le parcours de cette semaine avec Tilé nous rappelle que l’égalité est un point de départ, pas une garantie. La justice exige de voir la différence — non pas pour diviser, mais pour comprendre. Sans cette clarté, les systèmes bien intentionnés deviennent aveugles. La bienveillance devient condescendance. Et la ressemblance devient silence.

Alors posons une meilleure question : qu’est-ce qu’il faut vraiment pour se tenir aux côtés des autres ? Pas seulement quand ils nous ressemblent, mais quand leur lutte nous échappe — et que leur charge est invisible.

Car la justice ne vit pas dans les règles. Elle vit dans la conscience de qui porte quoi.

« Ne mesure pas la montée. Comprends la falaise. »

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Adama Coulibaly : Répandre la positivité avec PositiveMinds

Je parle et j'écris sur la décolonisation, le leadership et l'avenir du développement mondial. Pour en savoir plus sur moi, cliquez ici.

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