Jour 6 : Le Coucou Opportuniste contre Le Tisserin Artisan
Toutes les contributions ne se valent pas. Mais tous les efforts ne se voient pas non plus.
Hier, nous avons exploré deux petits communicants : le moustique, qui remplit l’air de bruit, et la luciole lumineuse, qui éclaire avec une étincelle bien placée.
Aujourd’hui, on grimpe dans les arbres.
Au-dessus du bourdonnement des réunions et de l’éclat des bons mots, on rencontre deux oiseaux : l’un qui plane vers le succès, et l’autre qui le construit… brindille après brindille.
C’est une histoire de travail et de stratégie, de visibilité et de charge invisible. Une histoire sur la manière dont le succès se partage — et à qui revient le mérite.
🐦 Le Coucou Opportuniste
Il arrive juste au bon moment.
Jamais trop tôt — quand tout est flou, chaotique, ingrat.
Et jamais trop tard — quand tout est terminé et que les éloges ont déjà été distribués.
Non, lui surgit au milieu : en plein déploiement, en pleine dynamique.
Juste à temps pour faire partie du résultat, sans jamais approcher du désordre.
Il ne conteste rien. Il ne se porte pas volontaire.
Il navigue avec grâce : présent sur la photo d’équipe, souriant lors des annonces aux managers, toujours prêt à dire quelque chose de vaguement positif.
Visible, charmant, insaisissable.
Quand on lui pose une question, son discours est fluide… mais flou :
« J’étais plutôt en appui stratégique. »
« Je pense que ce sont surtout les autres qui ont porté ça. »
« J’ai contribué aux premières réflexions. »
Et quand les applaudissements commencent, il est là — modeste, présent, discret… mais prêt à récupérer sa part.
Il n’est pas nocif. Ni dramatique.
Il est simplement… stratégique.
Et même s’il ne fait pas de dégâts, il laisse souvent un arrière-goût d’injustice,
surtout pour celles et ceux qui ont été là depuis le début — manches retroussées, mains pleines.
🪶 Le Tisserand Artisan
Et puis, il y a le Tisserin.
Il commence avant même que la mission ne soit clarifiée.
Il reste après la deadline.
Il comble les trous oubliés, relance les sujets laissés de côté, et porte bien plus que prévu — souvent sans qu’on le lui ait demandé.
Il ne fait pas ça par ego.
Mais par responsabilité. Par conviction.
Par cette petite voix fatiguée qui dit : « Si je ne le fais pas… qui le fera ?
Il ne prend pas de raccourcis. Il n’attend pas qu’on vienne réparer à sa place.
Et il ne demande pas toujours de l’aide — non pas parce qu’il veut tout faire, mais parce que demander, c’est encore une chose de plus sur une liste déjà trop longue.
Il dit rarement non. Il parle rarement fort.
Mais il voit tout.
Surtout quand d’autres arrivent en retard, contribuent peu… et repartent avec les compliments.
Il ne confronte pas. Il porte.
Pas seulement le travail.
Mais aussi l’épuisement. Le ressentiment.
Et cette lente érosion d’énergie qui frappe ceux qu’on considère comme essentiels… mais qu’on oublie de reconnaître.
C’est lui qui bâtit le nid. Les autres arrivent quand il est déjà chaud.
🔍 La Réflexion
On parle souvent de contribution.
Mais on demande rarement : contribution à quoi ? Certain·es arrivent une fois l’échafaudage en place.
D’autres ont porté les barres, mélangé le ciment, grimpé jusqu’en haut.
Le Coucou joue avec le système — avec élégance.
Le Tisserin, lui, tient le système à bout de bras — avec effort.
L’un est célébré pour son habileté.
L’autre est sollicité jusqu’à l’épuisement
Les deux font partie du résultat.
Mais un seul peut vraiment dire qu’il a façonné ce qui existe.
Alors, posez-vous la question :
Arrivez-vous quand tout est prêt — ou êtes-vous celui ou celle qui rend tout prêt ?
Et si vous êtes toujours en train de porter…
que faudrait-il pour poser enfin un peu du poids ?
📌 Le Saviez-Vous ?
Les coucous sont des parasites de couvée.
Plutôt que de construire leur propre nid, ils pondent leurs œufs dans celui d’autres oiseaux — parfois en retirant un œuf de l’hôte pour ne pas se faire repérer.
L’oisillon coucou est élevé comme un enfant du nid… sans que l’hôte s’en aperçoive.
Il grandit vite — souvent plus vite que les autres — jusqu’à dominer l’espace.
Les tisserins, à l’inverse, sont les architectes de la nature.
Avec seulement leur bec et leurs pattes, ils construisent des nids complexes à partir d’herbe, de brindilles et de feuilles.
Le processus est exigeant, minutieux, chronophage.
Mais le résultat est l’un des habitats les plus élaborés du monde aviaire — un hommage à la précision, à la patience… et à la persévérance.
Dans le monde du travail, on oublie souvent qui a posé les fondations sur lesquelles on se tient.
Et parfois… le travail le plus invisible est aussi le plus essentiel.
📚 Références
Davies, N.B. (2000). Coucous, oiseaux-vaches et autres tricheurs
Collias, N.E., & Collias, E.C. (1984). Construction des nids et comportement des oiseaux
Grant, A. (2021). Réfléchissez encore : Le pouvoir de savoir ce que vous ne savez pas
Harvard Business Review (2020). "Le coût caché d'en faire trop au travail"