Jour 7 : Le Perroquet Exubérant contre Le Vautour Cynique
Certaines émotions élèvent la pièce. D’autres la plombent. Et parfois, les deux passent complètement à côté du vrai sujet.
Hier, nous avons exploré la question de l’effort et de la reconnaissance avec le Tisserin Artisan et le Coucou Opportuniste — l’un qui construit avec soin, l’autre qui atterrit juste au bon moment.
Aujourd’hui, nous restons dans le ciel, mais nous passons de l’action… à la réaction.
Parce que notre façon de répondre à la difficulté — par le déni ou par le découragement — en dit souvent autant sur nous que ce que nous faisons.
Deux oiseaux. Deux postures.
L’un sourit à travers la tempête.
L’autre annonce l’échec avant même qu’il n’ait commencé
🦜 Le Perroquet Exubérant
Son énergie est contagieuse — au début.
C’est la personne qui applaudit chaque mise à jour, hoche la tête à chaque proposition, et termine toutes ses phrases par un “génial !” Même quand ça ne l’est clairement pas.
Un retard dans la livraison ?
« C’est qu’on prend le temps de bien faire ! »
Des coupes budgétaires ?
« Une super opportunité pour être créatif·ve ! »
Des tensions dans l’équipe ?
« C’est juste une phase d’apprentissage — on va y arriver ! »
Le burn-out qui s’installe ?
« C’est une vraie chance de croissance ! »
Ce n’est pas qu’il ment. Ce n’est pas qu’il ne voit rien.
Mais l’inconfort le déstabilise. Alors il l’étouffe sous une couche d’enthousiasme.
Son optimisme n’est pas faux — il est gonflé.
Et parfois, il sert plus à éviter la réalité qu’à la transformer.
Le Perroquet Exubérant part d’une bonne intention.
Il veut que tout le monde reste motivé, avance, se sente bien.
Mais quand chaque crise est accueillie par une citation inspirante, l’équipe a l’impression de crier à travers des paillettes : invisible, inaudible.
La positivité a sa place.
Mais quand elle remplace la réflexion — quand elle fait taire les désaccords — elle peut enterrer les vrais problèmes sous des slogans creux et brillants.
🦅 Le Vautour Cynique
Et puis, il y a le Vautour Cynique — perché discrètement au bord de chaque réunion, observant tout avec recul.
Il ne tire pas la sonnette d’alarme.
Il hausse un sourcil.
Une nouvelle initiative ?
« Ça sent l’échec à plein nez. »
Une petite victoire ?
« Ça ne va pas durer. »
Une proposition de changement ?
« Déjà tenté. Jamais marché. »
Il ne parle pas fort. Mais son propos est lourd.
Un simple soupir peut vider la pièce.
Un regard dubitatif peut suffire à clore une discussion.
Et quand il s’exprime, cela commence souvent par :
« Soyons réalistes… »
Le plus ironique ? Il n’a pas tort.
Ce qu’il pointe est souvent vrai. Son analyse est fine. Ses inquiétudes sont fondées.
Mais avec le temps, son scepticisme est devenu une habitude.
Le doute, un réflexe.
Et même les bonnes idées se fanent à l’ombre de sa certitude.
Le Vautour Cynique n’attaque pas.
Mais sa seule présence peut couper l’élan.
Non pas parce qu’il conteste — mais parce qu’il ne croit plus.
🔍 La Réflexion
On a tendance à voir l’optimisme et le cynisme comme des contraires.
Mais poussés à l’excès, les deux deviennent de l’évitement.
Le Perroquet Exubérant veut protéger l’équipe — mais finit par masquer ce qui compte.
Le Vautour Cynique veut se protéger — mais finit par décourager ce qui est encore possible.
L’un repeint chaque problème.
L’autre prédit chaque échec.
Mais dans les deux cas, la vérité est enfouie — sous les paillettes, ou sous l’amertume.
Alors, demandez-vous :
Quand un défi se présente, cherchez-vous à l’adoucir à tout prix ?
Ou à en être déçu d’avance ?
Et surtout : votre réaction aide-t-elle les autres à voir clair…
… ou vous protège-t-elle simplement de ce que vous ne voulez pas ressentir ?
📌 Le Saviez-Vous ?
Les perroquets font partie des oiseaux les plus expressifs.
Ils peuvent imiter la voix humaine, le rire, et même les tons émotionnels.
Leur plumage éclatant et leur capacité vocale les font paraître joyeux, engageants.
Mais en captivité, beaucoup développent des tics nerveux — répétant sans cesse les mêmes phrases comme mécanisme de survie face au stress.
Les vautours, eux, sont les éboueurs écologiques de la nature.
Souvent perçus comme morbides ou paresseux, ils jouent pourtant un rôle vital en se nourrissant de charognes, évitant ainsi la propagation de maladies.
Mais leur posture voûtée, leur silence et leur apparition tardive dans le cycle de vie leur ont valu une réputation sinistre — alors qu’ils ne font que le sale boulot nécessaire.
Dans nos bureaux aussi, ces deux rôles peuvent être utiles — un peu de joie, un peu de prudence.
Mais quand l’un ou l’autre devient un bouclier,
on perd le contact avec la vérité qu’on a besoin d’affronter.
📚 Références
Pepperberg, I.M. (1999). The Alex Studies : Les capacités cognitives et communicatives des perroquets gris
Houston, D.C. (2001). "The Role of Griffon Vultures in the Disposal of Carrion" (Le rôle des vautours fauves dans l'élimination de la charogne). International Journal of Avian Science
Harvard Business Review (2022). "La positivité toxique au travail : comment la reconnaître et l'éviter"
Grant, A. (2013). Donner et prendre : une approche révolutionnaire de la réussite